Les prix alimentaires mondiaux atteignent un niveau record : quelles conséquences pour les consommateurs ?

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Les prix alimentaires mondiaux ont augmenté en mai et ont ainsi atteint leur niveau le plus élevé en dix ans. Cela nous rappelle une hausse similaire qui, en 2010, a provoqué des troubles en Afrique et même donné naissance au « Printemps arabe ». Quelle est la cause de cette hausse des prix ? Et quelles en sont les conséquences ? Nous avons demandé à Bart Abeloos (Crelan) et à Katrien Pottie (Amundi) de nous éclairer.

BART ABELOOS « L’indice mondial des prix alimentaires de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ndlr) est à son plus haut niveau depuis 2011, après une hausse de plusieurs mois. Pourtant, l’augmentation des prix ne concerne pas tous les produits alimentaires : il s’agit surtout du prix des céréales et des huiles végétales. »

Comment peut-on expliquer ces augmentations de prix ?

ABELOOS « Sur le long terme, les prix des produits agricoles sont déterminés par la loi de l’offre et de la demande. Cette tendance est à la baisse depuis le pic des années 70. Mais à court terme, d’autres facteurs entrent en jeu : les conditions météorologiques et climatiques d’une part, les maladies touchant les cultures et le bétail d’autre part. La peste porcine africaine, qui a décimé la population porcine chinoise en 2018-2019 et provoqué une hausse importante du prix du porc, en est un exemple. »

KATRIEN POTTIE « Le changement climatique, qui augmente la probabilité de conditions météorologiques extrêmes, peut provoquer des variations importantes à long terme. Le continent africain semble souffrir particulièrement de ces phénomènes climatiques exceptionnels, avec des périodes de sécheresse plus longues et plus intenses. »

Le changement climatique serait-il la principale cause des augmentations de prix ?

POTTIE « Non, le climat n’est pas le seul facteur. En nous concentrant sur les augmentations de prix de ces derniers mois, nous pouvons identifier d’autres éléments. Le prix de l’huile de palme s’est envolé suite à la décision de l’Indonésie (qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale, ndlr) d’augmenter significativement les droits de douane sur ce produit. C’est de cette façon que le pays veut financer son programme de biocarburants. »

ABELOOS « Les prix du maïs, du soja et du blé atteignent aujourd’hui des niveaux inédits depuis dix ans. La diminution du rendement sur le continent américain, suite au phénomène météorologique La Niña, n’est qu’une partie de l’explication. La crise du Covid-19 en est une autre. Différents pays ont puisé dans leurs stocks stratégiques de nourriture pendant la pandémie et reconstituent aujourd’hui leurs réserves. La Chine rétablit son cheptel porcin, ce qui fait augmenter la demande chinoise d’aliments pour bétail comme le soja. »

POTTIE « Afin de limiter l’inflation intérieure, la Russie a imposé un droit à l’exportation plus élevé sur le blé, l’orge et le maïs. Ce qui n’est pas sans conséquences puisque la Russie est de loin le premier exportateur de blé. L’Argentine, à son tour, a suspendu ses exportations de maïs pour protéger sa propre industrie de la viande et limiter les hausses de prix. »

Devons-nous craindre un impact sur l’inflation ?

ABELOOS « Plusieurs études1 indiquent que les prix alimentaires intérieurs diffèrent souvent de manière significative des prix des matières premières agricoles sur les marchés internationaux. Et celles-ci ne représentent qu’une partie du coût pour le consommateur final. Les prix sur le marché intérieur sont par ailleurs déterminés par des coûts annexes tels que le transport, l’emballage, etc. Leur valeur est donc moins fluctuante que celle des matières premières de base. »

POTTIE « Toutefois, une étude du Fonds monétaire international² indique que les fluctuations de prix des matières premières agricoles ont joué un rôle important dans l’inflation intérieure de nombreux pays au cours des 60 dernières années, même si cet effet a constamment diminué. C’est dans les pays émergents, où l’alimentation représente une part plus importante de la consommation, que cet effet est le plus important : dans des pays comme l’Inde, l’alimentation représente près de la moitié du budget familial, tandis que dans la zone euro et aux États-Unis, elle ne représente que 15 %. En résumé : il est probable qu’une hausse des prix des matières premières agricoles contribuera à une augmentation de l’inflation des produits alimentaires au cours des prochains mois. »

C’est donc une mauvaise nouvelle pour tout le monde ?

ABELOOS « La hausse des prix alimentaires intervient à un moment où la crise Covid-19 a eu de terribles conséquences sur le marché du travail. Les pertes d’emplois sont particulièrement nombreuses en Amérique latine, en Afrique et sur le sous-continent indien. Dans pareilles circonstances, l’augmentation des prix de l’alimentation peut avoir des conséquences humanitaires dramatiques. De nombreux pays sont en outre souvent dans l’incapacité de produire leurs propres denrées alimentaires. Ils sont dépendants des importations et la hausse des prix peut rapidement mener à des troubles sociaux, voire à des tensions géopolitiques. Le ‘Printemps arabe’ survenu il y a 10 ans est apparu au moment où la nourriture était devenue inabordable pour une grande partie de la population de certains pays d’Afrique du Nord. »

POTTIE « Mais ailleurs, l’inflation des prix alimentaires peut aussi faire des gagnants. La hausse des prix des céréales profite généralement aux exploitations céréalières, surtout aux États-Unis, mais également en Europe. Elle incite les entreprises à investir dans de nouveaux équipements, ce qui fait grimper les actions de certaines entreprises du secteur agricole. Il s’agit donc d’un thème d’investissement qui mérite un peu plus d’attention. »

Crelan a interrogé Katrien Pottie (Amundi) et Bart Abeloos (Crelan) au sujet de la forte croissance financière que la Chine compte atteindre dans les 15 années à venir. Comment le pays compte-t-il réaliser cet objectif ? Comment la Chine a-t-elle réussi à se relever aussi rapidement après la crise ? Toutes les réponses dans cette interview !

Disclaimer : Tous les commentaires et analyses reflètent le point de vue de CPR AM sur les conditions et tendances du marché, sur la base des informations disponibles à ce moment-là. En raison de la nature simplifiée des informations contenues dans le présent document, ces informations sont nécessairement partielles et incomplètes et ne doivent pas être considérées comme ayant une quelconque valeur contractuelle.

1 Voir exemple McCorriston S., 2015, Food Price Dynamics and Price adjustment in the EU, Oxford University Press.

2 Furceri D. et al., 2015, « Global food prices and domestic inflation : some cross-country evidence », IMF working paper n°15/133.

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