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L’été, une période d’insouciance et de détente ? Pas pour les investisseurs. Entre inflation, récession, perspective de pénuries de gaz, ils ont droit à un cocktail un explosif. Et pas le genre de cocktail qu’on sirote avec plaisir sur une terrasse… Mais heureusement, au milieu de toutes ces mauvaises nouvelles, il y a du positif.
C’est la fin d’une époque : après des années de taux d’intérêt négatif, le taux de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) a cessé d’être inférieur à zéro. Cela marque donc la fin de la politique de soutien que la BCE menait depuis tout ce temps. Concrètement : le taux de dépôt s’applique aux banques qui parquent temporairement des liquidités à la BCE. En « pénalisant » ces dépôts par un taux d’intérêt négatif, la BCE voulait inciter les banques à prêter, sous forme de crédits, un maximum de l’épargne qui leur était confiée et ce afin de soutenir l’économie. Cette politique monétaire a été introduite à la suite de la crise de la dette européenne (2009-2012) et a, bien sûr, été poursuivie pendant la pandémie.
Mais pour quelle raison mettre fin au taux d’intérêt négatif maintenant ? L’inflation galopante oblige la BCE à resserrer sa politique monétaire. Traditionnellement, la hausse du taux d’intérêt est l’arme de prédilection des banques centrales pour lutter contre l’inflation : l’épargne est davantage récompensée et le crédit devient plus cher, ce qui ralentit la demande de biens et de services et évite que les prix ne continuent à augmenter. Avec un taux d’inflation de 8,9 %, on a le sentiment que la BCE a laissé grimper l’inflation bien trop longtemps. Pour ne pas perdre sa crédibilité, la BCE a dû intervenir. De nouvelles hausses de taux sont prévues pour l’automne, mais elles ne seront probablement que de l’ordre de 0,25 %.
Cette gestion hésitante de la BCE quant à l’inflation provient notamment du fait que la zone euro est une mosaïque d’économies, tandis que le taux d’intérêt de la BCE est un format à “taille unique”. Dans certains pays, un taux d’intérêt nettement plus élevé serait le bienvenu. Dans d’autres pays, confrontés à des finances publiques plus fragiles, le relèvement du taux poserait rapidement des problèmes. Le sort des obligations d’État italiennes est particulièrement préoccupant. L’Italie a accumulé une dette de l’ordre de quelque 150% du PIB. En outre, son économie accuse une croissance insuffisante depuis de nombreuses années. Si l’on y ajoute le départ du premier ministre “technocrate” Mario Draghi, qui avait la confiance des investisseurs, il ne faut pas s’étonner que les marchés considèrent l’Italie comme une destination de plus en plus risquée pour leur argent. Le taux d’intérêt des obligations d’État italiennes a excédé de 2 points de pourcentage le taux allemand (qui est généralement considéré comme l’émetteur d’obligations le plus sûr de la zone auro).
Parallèlement à la hausse des taux d’intérêt, la BCE a annoncé la mise en place d’un mécanisme visant à éviter que les obligations de l’Italie et d’autres États membres dont la situation financière est fragile ne soient menacées. Cet instrument de protection de la transmission (IPT) est une condition préalable pour éviter que la BCE ne soit obligée d’arrêter très rapidement ses hausses de taux d’intérêt suite à des pressions trop élevées sur l’Italie entre autres pays.
La hausse du taux directeur de la BCE entraînera-t-elle l’augmentation du taux d’épargne ? Pas tout de suite. Le taux de dépôt de la BCE est désormais de 0 %. Il faudra encore au moins une nouvelle hausse des taux pour que le taux d’intérêt soit vraiment positif. Le taux d’intérêt des comptes d’épargne belges est en effet toujours resté bien supérieur au taux de la BCE, grâce au taux d’intérêt minimum légal. Ce qui explique que notre taux d’épargne ne réagira pas immédiatement à la première hausse de taux de la BCE.
Les États-Unis, comme la zone euro, sont confrontés au taux d’inflation le plus élevé depuis 40 ans. Contrairement à leurs collègues de la BCE, les banquiers centraux de la Fed n’ont pas à faire face au risque de fragmentation, ni à la perspective d’une crise énergétique imminente. Elle a donc déjà pris des mesures significatives, en relevant les taux d’intérêt à 2,25 – 2,50%. Les hausses de taux de juin et juillet ont atteint les 75 points de base chacune – des mesures musclées qui indiquent que la Fed veut tirer parti de la situation économique relativement favorable pour relever les taux le plus rapidement possible.
Car le ciel s’assombrit au-dessus de l’économie américaine. Les chiffres de croissance des premier et deuxième trimestres étaient négatifs, ce qui signifie que les États-Unis sont en récession « technique » (la récession est traditionnellement définie comme un ralentissement de l’activité économique pendant deux trimestres consécutifs). L’administration Biden se défend et affirme que l’économie n’est pas réellement en récession puisqu’un certain nombre d’indicateurs sont encore au vert. Le marché du travail, surtout, se porte très bien. Le taux de chômage atteint seulement 3,5% et de nombreux nouveaux emplois ont été créés. Les objections de l’administration Biden, pourtant, font penser à un élève qui justifierait un examen de mathématiques raté par une très bonne note en éducation physique.
Dans la réalité, la croissance économique des États-Unis connaît un ralentissement rapide. La Fed en est consciente et son président, Jerome Powell, a laissé entendre que la Fed surveillerait l’évolution de la situation de près cet automne, à chacune de ses réunions. Une information que les marchés ont interprété de la façon suivante : « S’il y a trop de mauvaises nouvelles, les hausses du taux d’intérêt seront freinées ». Ce qui n’a pas manqué de susciter des réactions positives. Les investisseurs, en effet, n’aiment pas les hausses de taux d’intérêt. Ce n’est donc pas un hasard si les marchés boursiers ont terminé le mois de juillet sur une note résolument optimiste. C’est le meilleur mois que la bourse américaine ait connu depuis l’automne 2020. Les marchés remercient la Fed, qui est un peu plus sceptique.
Une question empêche aujourd’hui l’Allemagne et le reste de l’UE de dormir : l’approvisionnement en gaz depuis la Russie va-t-il s’arrêter complètement ? En été, quand la consommation de gaz est la plus faible, les réserves sont constituées pour l’hiver. Aujourd’hui, les réserves de l’Allemagne le sont à environ aux deux tiers, ce qui est plus ou moins dans les temps. Mais le flux de gaz s’est réduit à un filet d’eau. À la mi-juillet, le gazoduc a été temporairement fermé pour la maintenance de deux turbines. Après dix jours d’anxiété, le gaz a recommencé à circuler mais le volume est tombé à 20 % de la capacité maximale. À ce rythme-là, le moindre problème empêcherait d’atteindre l’objectif de réserves nécessaires (80 % au 1er octobre, 90 % au 1er novembre).
Or, les problèmes sont déjà là. En raison de la sécheresse qui sévit dans une grande partie de l’Europe, les niveaux d’eau sont nettement plus bas que d’habitude. Par conséquent, de nombreuses centrales hydroélectriques ne peuvent pas fonctionner à pleine capacité. En outre, le niveau de l’eau de certains fleuves a tellement baissé que les navires acheminant le charbon n’arrivent pas jusqu’aux centrales électriques qu’ils doivent approvisionner. Résultat : il faut déjà utiliser le précieux gaz pour maintenir le niveau de production d’électricité. Autant de gaz qui ne peut donc pas être mis en réserve jusqu’à l’hiver.
Le 26 juillet, le Conseil de l’Europe a décidé que les États membres devaient réduire leur consommation de gaz de 15 %. Tout laisse présager que la Russie utilisera l’approvisionnement de gaz comme moyen de pression. L’Allemagne, qui dépendait jusqu’il y a peu des importations russes pour 55 % de sa consommation de gaz, sera l’une des économies les plus durement touchées si l’arrêt complet devient réalité. Le rationnement du gaz et la mise à l’arrêt d’une partie de l’industrie allemande sont désormais des options réalistes. Ce qui pourrait coûter cher à l’Allemagne et, par extension, à l’ensemble de la zone euro. L’économie allemande stagne aujourd’hui déjà, tandis que l’Italie et la France, entre autres, affichent une croissance plus élevée que prévu au deuxième trimestre. L’insécurité énergétique vient s’ajouter à une série d’autres problèmes. Les coûts salariaux allemands sont fortement à la hausse. Et le secteur vital de l’automobile est en train décliner, étant donné que le moteur thermique classique doit faire place à la propulsion électrique. De nombreuses entreprises allemandes, confrontées à des coûts élevés, transfèrent une partie de leur production à l’étranger.
La menace de voir la locomotive de l’UE s’arrêter est une mauvaise nouvelle et explique en partie pourquoi l’euro s’est récemment tant affaibli par rapport au dollar américain. Les actions européennes sont évaluées à bas prix, mais il y a une bonne raison à cela. Une fois de plus, le principe-clé pour les investisseurs reste la diversification maximale. L’évaluation bon marché des actions européennes peut conduire à une belle revalorisation à long terme mais, en attendant, les actions américaines (malgré leur évaluation plus chère) et les actions japonaises résistent beaucoup mieux.
Les italiens se rendent aux urnes. Et les élections de mi-mandat américaines approchent, avec le risque pour les démocrates de perdre leur majorité. Les enjeux sont importants d’ici à la fin de l’année. Mais est-ce une raison pour rester les bras croisés ? Ou pour attendre que l’insécurité soudain disparaisse ? On risque d’attendre longtemps, car l’incertitude est une constante. Le mois de juillet en est une belle illustration puisque, malgré un ciel sombre et menaçant, une belle reprise boursière a pu être amorcée : l’indice boursier mondial MSCI World a progressé de 7 %. Voilà qui confirme la règle selon laquelle « rester dans le marché » (au lieu d’essayer de le “timer”) est la stratégie la plus simple et la plus sensée qu’un investisseur puisse appliquer.
Disclaimer : Les informations contenues dans cette publication constituent un commentaire général sur la situation financière actuelle et ne doivent pas être considérées comme un conseil ou une recommandation concrète en matière de produits financiers.