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Les grands froids ne sont pas encore là que déjà nous tremblons face à la flambée des prix de l’énergie. Ces augmentations ne pouvaient pas tomber plus mal : alors que l’économie mondiale est déjà confrontée à une croissance vacillante et à diverses pénuries, la hausse des prix du gaz et de l’électricité vient attiser une inflation déjà forte. Que se passe-t-il ? Nous avons demandé à Bart Abeloos, expert en investissement chez Crelan, de nous éclairer.
BART ABELOOS: « Un certain nombre de facteurs viennent perturber l’approvisionnement. La reprise de l’économie offre une partie de l’explication : le tourisme et l’aviation se rétablissent facilement, et le trafic automobile a pratiquement retrouvé son niveau d’avant la pandémie. L’industrie, elle aussi, tourne à nouveau à plein régime. La demande en énergie est donc élevée. L’offre est satisfaite en grande partie mais de sérieux doutes apparaissent quant à la sécurité d’approvisionnement. »
« Cette tendance se fait particulièrement sentir en matière d’approvisionnement en gaz. L’Europe entame l’hiver avec des réserves de gaz exceptionnellement basses. La météo peu clémente du printemps a fait tourner les chaudières plus longtemps. Et en été, la production d’énergies renouvelables a été médiocre : l’éolien a produit 30 à 40% de moins tandis que les centrales hydroélectriques ont dû faire face à de faibles niveaux d’eau. Les stocks de gaz ont été entamés, ce que nous payons maintenant. »
« La Chine également a été touchée par la combinaison du froid et de la reprise de l’activité industrielle après le coronavirus. Le charbon représente encore 80% de la consommation énergétique chinoise et ses stocks aussi ont diminué dangereusement. La Chine fait le maximum pour remédier à la situation. Premièrement, elle a rouvert des mines a charbon. Deuxièmement, de grands utilisateurs d’énergie en ont été privés dans certaines provinces. Et enfin, la Chine a entamé une guerre commerciale pour assurer, à tout prix, son approvisionnement sur le marché du gaz. »
« Le marché du gaz fonctionne différemment de celui du pétrole. Qu’il soit extrait au Qatar, au Texas ou en Sibérie, tout le pétrole est ‘regroupé en un seul marché’ et peut être livré partout à prix uniforme. Le gaz est nettement plus difficile à transporter. Généralement, il est acheminé par gazoducs du producteur au consommateur qui sont liés par des contrats à long terme. Ou encore, il est transformé en GNL et transporté par bateau, un processus extrêmement coûteux qui exige des navires-citernes et des terminaux spéciaux. On comprend dès lors pourquoi il est généralement impossible de résoudre les pénuries de gaz en s’approvisionnant sur le marché mondial. Cela entraîne une pression sur le prix. »
« L’énergie est une composante importante de l’inflation. Dans la zone euro, l’énergie pèse en moyenne 10% dans le panier de l’inflation. Si les factures augmentent de 10 à 20% dans un avenir proche (dans de nombreux pays, c’est déjà le cas aujourd’hui), l’énergie entraînera à elle seule 1 à 2 % d’inflation supplémentaire, indépendamment des autres prix à la hausse. La réalité est dure : la hausse du prix de l’énergie pèse directement sur le pouvoir d’achat et risque de créer une insécurité chez les consommateurs, les incitant à dépenser moins. »
« La réalité des consommateurs est la même pour les producteurs. D’autant plus que le prix élevé de l’énergie vient s’ajouter à d’autres augmentations : matières premières, logistique, personnel. Certains secteurs sont plus touchés que d’autres (le secteur du transport, les services d’utilité publique, l’industrie lourde), tandis que certains ne sont pratiquement pas impactés (technologie, pharmaceutique, finance). Les entreprises disposant d’un bon pouvoir de fixation des prix peuvent répercuter en partie l’augmentation du prix de l’énergie sur leurs clients finaux. Par contre, les entreprises dans une position concurrentielle moins solide verront leurs marges bénéficiaires mises sous pression. »
« L’impact de la hausse des prix de l’énergie sur l’économie ne sera assurément pas négligeable. Les régions qui importent leur énergie (l’Europe, le Japon) sont plus sévèrement touchées que celles qui maîtrisent davantage leur production énergétique (les États-Unis, de nombreux pays émergents). Certains indices portent à croire que la croissance au quatrième trimestre de cette année sera déjà nettement plus faible qu’au troisième trimestre, en partie à cause du coût de l’énergie. »
« Les énergies conventionnelles (pétrole, gaz) et les énergies alternatives sont, à terme, des vases communicants. Si les prix du pétrole et du gaz restent élevés pendant une longue période, il y a un incitant pour investir dans les énergies alternatives. Mais, à court terme, ce n’est pas une solution. Et le problème le plus préoccupant, c’est le faible niveau des réserves au moment d’entrer dans l’hiver. »
« Les investissements dans de nouvelles énergies conventionnelles sont actuellement complexes. Sous la pression de la réglementation et des actionnaires, les grandes entreprises énergétiques (TotalEnergies, BP, etc.) réduisent la part des énergies fossiles dans leur mix énergétique et ce, au profit des énergies renouvelables. C’est la raison pour laquelle, en ce qui concerne le développement de nouveaux combustibles fossiles, la balle est dans le camp des compagnies pétrolières nationales des pays de l’OPEP. »
« Le fait est que nous devrons assurer, pendant un long moment encore, une grande partie de notre approvisionnement en énergie au moyen de combustibles fossiles (le gaz en particulier) et ce même si la part d’énergies renouvelables augmente de façon accélérée. À court terme, il n’y a qu’une solution : un approvisionnement plus important en provenance de pays comme la Russie. Avec un prix à payer : le gaz deviendra une arme géopolitique, comme c’est le cas du pétrole depuis plusieurs décennies déjà. »
« Le secteur de l’énergie comporte de nombreux aspects. Les entreprises énergétiques classiques sont tombées en disgrâce depuis plus d’une décennie. L’indice Stoxx Europe 600 Oil & Gas a doublé depuis le début de la pandémie, mais se négocie toujours à plus de 30% en dessous des sommets atteints à la veille de la grande crise financière il y a 14 ans ! La bourse européenne, au sens large, a augmenté de 20% au cours de la même période. Cette faible performance n’est pas sans raison. Elle indique des problèmes structurels qui sont provisoirement atténués par la pénurie d’énergie. La discipline financière des compagnies pétrolières et gazières a été médiocre pendant des années, ce qui a mené à une importante perte de valeur actionnariale. »
« Les investisseurs regardent également vers l’avenir et voient que les énergies fossiles sont de plus en plus étiquetées comme ‘indésirables’. Les gouvernements rivalisent entre eux en termes d’objectifs de ‘neutralité carbone’ et les grands investisseurs institutionnels ‘décarbonisent’ leurs portefeuilles : ils écartent en effet les entreprises qui réalisent la majeure partie de leur chiffre grâce aux combustibles fossiles. Le fonds souverain norvégien, dans lequel la Norvège investit une partie des bénéfices générés par son industrie pétrolière, en est un parfait exemple. Ce fonds – qui est le fonds d’État le plus riche du monde grâce à ses revenus pétroliers – subit une forte pression politique pour se désengager des entreprises de combustibles fossiles. »
« Cela illustre également un autre aspect de la question : les grands actionnaires et gestionnaires de fonds sont en position de taper du poing sur la table auprès des grandes compagnies pétrolières et gazières et d’exiger davantage d’efforts en termes de climat. Et c’est payant. La plupart des grandes entreprises énergétiques accélèrent et intensifient leurs investissements dans les énergies renouvelables. Les énergies éoliennes et solaires constituent déjà une partie importante de leur ‘mix’. Et leurs autres investissements qu’elles font, par exemple dans l’hydrogène vert et les réseaux de bornes de recharge pour véhicules électriques, indiquent qu’elles joueront également un rôle de premier plan dans ces domaines. »
« En tant qu’investisseur, vous pouvez également opter pour des acteurs ‘purs’ des énergies renouvelables qui n’intègrent aucun combustible fossile à leurs activités. Mais il faut savoir que leur valorisation boursière est beaucoup plus élevée que celle des entreprises énergétiques classiques. »
« Il n’y a pas de solution instantanée à la hausse des prix du pétrole et du gaz qui risquent pourtant de créer des turbulences durant tout un hiver encore. Et les énergies renouvelables nécessitent des investissements à long terme avant d’atteindre une capacité suffisante. Par contre, et à condition qu’il y ait une bonne gestion ESG*, un investissement dans l’énergie peut faire contrepoids aux dommages que cause la hausse des prix de l’énergie. »
* label de qualité et de durabilité basé sur des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance
L’investisseur désireux de se tourner vers l’avenir a sans doute intérêt à investir dans les entreprises vertes ou l’eau potable ! Chez Crelan, nous sommes déjà prêts à vous aider à composer un portefeuille d’investissement conforme à vos souhaits. N’hésitez pas à pousser la porte d’une agence proche de chez vous.
Disclaimer : Les informations contenues dans cette publication constituent un commentaire général sur la situation financière actuelle et ne doivent pas être considérées comme un conseil ou une recommandation concrète en matière de produits financiers.